mercredi 15 novembre 2017

LE MARIN ET LA FILLE DES MERS

Une histoire pour faire découvrir une œuvre d’art…

Mon troisième album dans la collection Pont des Arts vient de paraître aux Éditions de L’élan vert


L'oeuvre d'art, c'est une valse.
L'idée, le temps, le vertige d'une valse.
Tout l'amour du monde dans cette valse... 
sculptée par une femme, 
                             Camille Claudel.

La Valse, Camille Claudel, 1893-1905, Bronze.                           
L'illustratrice, c'est Anja Klauss.
Dans le sillage de Camille, elle entre dans cette danse intense, entre allégresse et souffrance.
Ainsi qu'elle l'explique, elle a mis la main à la pâte, exploré des terres inconnues, à la recherche de nouvelles matières, de textures... 
Là où Camille a sculpté la pierre, Anja a sculpté le papier, elle a découpé les formes angulaires ou ondulées afin de créer des pochoirs. Avec des éponges gorgées de peinture, elle les a remplis du bleu de la mer, du vert des algues, du blanc de l'écume... des couleurs de la terre et de la nuit...
Les illustrations de ce livre sont un voyage, la traversée d'un univers particulier inventé pour nous...


L'histoire... elle est marine.

Un capitaine sillonne les mers.
Méditerranée, 
mer Rouge, 
mer de Chine... 
Il n'a besoin de rien d'autre que de la houle, du sel et du rire des mouettes.



Mais un jour, il rencontre la belle Néréide à la robe d'écume, à la peau de nacre et aux cheveux d'argent. 
Un, deux, trois, le vent volant gonfle sa jupe comme un voile, un voile de mariée. 
Emportés par les courants, le marin et la fille des mers se laissent griser par les rayons de lune. 
Undeux, trois, ils valsent sur les crêtes d'écume jusqu'à la grève, et promettent à la Mer de revenir dès l'aurore...



Quelle folie le marin va-t-il commettre ?
Enferme-t-on ce qu'on ne peut saisir ? 
Emprisonne-t-on la vague ? 


L'empêche-t-on de caresser le ventre doré des poissons sans s'exposer à la colère de sa mère ?






Ecrire sur l'oeuvre de Camille Claudel, c'est s'imprégner d'elle et ne plus pouvoir dissocier la sculpture de sa vie.
Comment raconter aux enfants le combat de cette femme ? La passion pour son art et son maître, la relation dévorante et l'exil, le long exil dont on ne revient pas, même quand on réclame la liberté à grands cris ?

Comment leur dire la violence, les tourbillons, la houle d'une création et d'une vénération amoureuse qui mènent jusqu'à la folie...

J'ai cherché longtemps... et j'ai lu sa correspondance (édition d'Anne Rivière, collection Art et Artistes chez Gallimard), alors j'ai trouvé.


Tout m'a ramené à la mer : 
L'argile qu'elle sculptait, les séjours océaniques avec ses amies anglaises, ses autres œuvres, La Vague, et La Sirène, ce drapé dans La Valse qui m'évoque l'écume, les danseurs en équilibre, comme des funambules sur une vague, les remous de sa relation amoureuse, de son existence chaotique... sa vie comme une marée, tantôt montante, tantôt descendante... 


La Néréide se laisse capturer par le marin, comme Camille par Rodin, mais l'amour devient une prison... L'enfermement de la vague sur terre évoque le long et insupportable internement en asile psychiatrique que Camille a subi de 1909 à 1943.


L'ouvrage a été conçu sous le patronage du tout nouveau Musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine. Je vous encourage à aller le visiter, la plus grande collection d’œuvres de Camille y est rassemblée.
Clic !

Ce livre, c'est un travail de filles... éditrices, maquettiste, graphiste, conservatrice, illustratrice et scribe... 

Bien avant la parution de l'album, quelqu'un s'est "étonné" que je n'aie pas écrit une histoire militante et féministe... Camille n'était pas une féministe. Elle était une artiste féminine dans un monde d'hommes... Elle exerçait un métier que l'on pensait réservé aux hommes...
A mon sens, elle s'est battue pour pouvoir exercer son art, non pour sa condition de femme, parce que sculpter coulait en elle comme le sang dans ses veines, et que rien n'aurait pu l'en empêcher.

Il y a un très beau film qui est sorti il y a quelques mois... je trouve qu'il rétablit la vérité sur le rapport de l'artiste à son art, sur l'art qui domine l'artiste et le prive parfois de la plus élémentaire humanité.




Je n'aime pas la lutte, mais le partage... j'avance sans armes, à coups de mots.
À nous toutes, nous avons fait un bel ouvrage pour rendre hommage à cette femme.


Je termine sur un extrait de La Mer de Debussy, ami de Camille, à qui elle offrit une version de La Valse en plâtre patiné... tout nous ramène à la mer...