Que se passe-t-il ?
J'n'y comprends rien.
Y'avait une ville,
Et y'a plus rien.
(Claude Nougaro)
J'n'y comprends rien.
Y'avait une ville,
Et y'a plus rien.
(Claude Nougaro)
Il y avait Alep...
Et il n'y a plus.
Appels à l'aide :
"Au secours ! ! النجدة Help !"
On a tous entendu !
On s'agite, on dénonce, on plaide
On remue les puissances, on secoue l'ONU
Et rien.
Parce que c'est loin
Si loin...
Et puis, c'est trop tard...
Dindes et dindons
Nous sommes devenus
Chapons...
Canards de foire...
La tête rentrée sous l'aile
Que voulez-vous... c'est Noël...
Et pourtant, nous avons su
Nous avons vu...
Il y avait Alep
Qui hurlait Help !
Et il n'y a plus.
Donner la main...
A celui qui la tend
Qu'est-ce qu'on attend ?
Pour être humain ?
Quelle sera la prochaine ville ?
Rayée, virée, martyrisée ?
Idlib ?
Est-ce être droit-de-l'hommiste que de revendiquer
le droit à une mère de protéger,
à un vieux d'être tranquille,
à un enfant de rêver ?
Est-ce utopiste de résister ?
De dire NON !
De ne pas accepter
sans donner d'autres raisons
que celle de la liberté d'exister
en paix ?
Faut-il choisir un camp ?
Je choisis celui des hommes, des femmes
et de leurs enfants.
"Plus jamais ça !"
On a dit.
et ÇA existe.
Des enfants, des mères, des pères et des vieux
marchent, marchent, marchent vers d'autres lieux.
Lesquels ?
LESQUELS ?
Où iront-ils ?
Et demain... que feront-ils ?
C'est une pièce, écrite il y a quatre ans...
Pour un spectacle d'enfants comédiens...
Pour dénoncer une autre guerre...
A quoi ça sert ?
M'a-t-on demandé.
A dire.
A accuser.
Qu'est-ce que je peux faire
à part écrire ?
Et je me tords de désespoir
devant les violences sans fin
Je veux crier, ruer sur la page et oser voir.
Ce n'est pas grand chose, mais ce n'est pas, rien.
"(Notre guerre) entre parenthèses"
Cette saynète a
été créée en 2012
par l’atelier théâtre des enfants de cycle 2
et début de cycle 3
de l’école Saint-Louis à Bourg-en-Bresse
Introduction, lue par Matthieu (9 ans)
La petite pièce que nous allons vous
interpréter met en scène huit enfants cachés dans une cave... Au dehors, les
combats font rage... Une seule solution : fuir sur le fil de ses pensées,
de ses rêves...
Peut-être auriez-vous préféré un
sujet plus léger en ces temps de fête et de paillettes... mais la poudre dorée de
Noël ne doit pas nous faire oublier que partout dans le monde les enfants
subissent les conflits armés que des adultes ont engagés. Ces enfants souffrent.
Pleurent. Meurent.
Dans cette école, nous apprenons la
compassion, le respect et la solidarité.
Nous vivons dans un pays en paix où
nous avons le droit de nous exprimer.
C’est donc en hommage à ces enfants
de la guerre que nous jouons pour vous.
« (NOTRE GUERRE) ENTRE PARENTHÈSES »
Centre Scène : La
cave : Une lampe à huile posée sur un cageot. Quelques pommes de terre au
sol, un quignon de pain dur. Des couvertures sous lesquelles se réchauffent les
enfants. En bouquet dans une cruche, dix étoiles.
Coté cour : Un décor de
guerre.
Scène 1
Huit enfants cachés sous des couvertures
dans une cave. Les enfants s’éveillent et jouent ensembles. Soudain, on entend
des bruits de combat. Les enfants sont inquiets.
Côté jardin, le général et le soldat en
position de combat.
HANS
Dehors, les
bombes s’amusent comme des folles ! Sur les murs de ma maison, il y a des petits pois de plomb.
DORINA
On entend le canon
qui éternue ! AtchBoum !
MAXIME,
se frottant le ventre.
Ça glougloute
dans mon estomac vide !
ABOU,
se frottant les yeux.
La guerre entre
dans mon sommeil, sans demander la permission...
MARIE
Tous les jours,
j’ai la chair de frousse !
NOUR
Toujours cette
peur pendue à nos trousses !
ESTHER
Ensemble, on se
soutient...
LILIA
Je me demande pourquoi
les hommes passent leur temps à se battre...
HANS
Parce qu’ils
font la compétition : c’est à celui qui tire le plus fort !
DORINA
(avec Lilia.)
Je te tiens, tu
me tiens par la barbichette, le premier de nous deux qui bougera...
MAXIME
Aura une
roquette.
ABOU
Pourquoi les
enfants meurent ?
LE SOLDAT
C’est comme ça !
Moi, je suis un soldat, j’obéis, je tire dans le tas !
LE
GÉNÉRAL
C’est
ainsi ! Le soldat obéit au général. Le général ne fait pas dans la
nuance : il généralise.
MARIE
Est-ce que l’on
peut changer cela ?
NOUR
Avec des yeux
d’enfant, on peut tout...
Scène 2
Le général et le soldat font les cent pas au
pas cadencé.
MAXIME
On peut
orchestrer le temps ! Regardez-moi ! il
se lève et mime un chef d’orchestre, Cheveux au vent et bras en l’air, je
commande aux horloges, aux cadrans, aux minuteries des bombes à retardement.
LILIA
Tu comptes les
heures, tu règles les distances...
HANS
Et de demi-temps
en temps pleins, l’espace d’un instant...
LE
GÉNÉRAL, s’arrêtant brusquement en plein
mouvement.
Le défilé des
régiments marquent un temps d’arrêt.
LE
SOLDAT, qui le suit de près, lui rentre
dedans et se fige.
Une minute de
silence.
DORINA
Chut... le canon
se tait, les chiens de fusil sont désarmés...
MAXIME
Dans l’arbre
sans feuille, on entend courir l’écureuil !
ESTHER
Sur la plus
haute branche, chante la mésange.
HANS
Dans l’herbe
roussie, le grillon sourit...
LILIA
Avec des rêves
d’enfants, on peut tout.
Scène 3
ABOU
On peut s’évader,
danser dans le ciel, toucher les étoiles !
MARIE,
arrachant les décorations du général.
On peut chiper les
cinq étoiles au garde-à-vous du général.
ABOU
Les lancer dans
les airs pour qu’elles oublient de faire la guerre !
Elles jettent les étoiles du général.
HANS,
la main en visière.
Cœurs de safran
dorés sur tranches, en palpitant des branches...
NOUR,
regardant le ciel.
Elles partent
dans l’univers !
LE
GÉNÉRAL, la main en visière.
Remue-ménage,
papillotage. C’est à celle qui clignotera la première !
MAXIME,
prenant la belle étoile et la faisant
virevolter.
Regardez la
belle étoile ! Elle a le ciel pour toit et un lit de bruyère !
ABOU,
prenant l’étoile de mer et la faisant
virevolter.
Voltige l’étoile
de mer sur des volutes de galaxies !
ESTHER,
prenant l’étoile de jasmin et la faisant
virevolter.
Le parfum de
l’étoile du jasmin !
LE
SOLDAT, montrant le ciel du doigt.
L’étoile Polaire
sur le dos de la Petite Ourse entre dans la course !
HANS, prenant
l’étoile d’anis et la faisant virevolter.
Frémissants
frissons d’épices de l’étoile d’anis !
DORINA,
prenant l’étoile jaune et celle de David
et les faisant virevolter.
L’étoile jaune
et celle de David, vacillantes d’émotion !
LILIA,
prenant l’étoile d’opéra et la faisant virevolter.
Pas de biche et
saut de chat de l’étoile d’opéra !
MARIE,
prenant les étoiles de neige et d’eau et les faisant
virevolter.
Cristaux
d’étoiles de neige, curieux manège d’étoile d’eau !
LE
GÉNÉRAL, rêveur.
Je regarde la
poudre d’or qui file dans le ciel...
HANS
Il oublie son
bataillon qui broie du noir.
ESTHER
Il rêve... le général... il plane !
MAXIME
Sous son rayon, sa bonne étoile étouffe le
cri du canon !
Silence, les enfants s’endorment.
Scène 4
On entend une sirène et des cris.
ABOU,
se redressant soudain.
Au loin,
j’entends la mitraille ! La guerre est encore là !
MAXIME
La ville est un
champ de bataille !
LE
GÉNÉRAL, marchant en cadence.
Allons, soldat,
marchons au pas !
LE
SOLDAT, trottinant.
Au trot, mon
général, trottons vers le front !
LE
GÉNÉRAL, courant.
Galop, soldat,
galop et grand saut !
On entend le bruit d’une bombe qui explose,
le soldat et le général sont projetés au sol, où ils restent inanimés.
HANS
Le général est
mort. Le soldat aussi. Leur guerre est finie.
DORINA,
se penchant sur les corps étendus.
Ils sourient...
peut-être qu’ils ont retrouvé leur âme d’enfant ?
ABOU
Mon âme a déjà sept ans... elle a tellement vieilli !
MAXIME
Vieillir, c’est
le futur de grandir ? Et mourir... ?
MARIE
Nous ne
grandirons plus.
NOUR
Nous ne
vieillirons pas non plus.
LILIA
Nous n’avons pas
de futur.
ALEXIS
Nous conjuguons
la guerre à tous les temps.
NOUR,
les consolant.
Un jour,
peut-être, tout s’arrêtera...
HANS
L’ennemi nous
serrera la main, nous le prendrons dans nos bras !
DORINA
Et nous
sortirons de nos caves, nous reconstruirons l’école !
MAXIME
Nous deviendrons
de vrais enfants ! Nous ferons des bêtises...
ABOU
Nous
entrerons, tous les matins, dans notre classe !
MARIE,
rêveuse.
J’y suis
déjà ! Le maître parle, je regarde par la fenêtre...
ESTHER
Dehors, le
printemps s’affaire.
LILIA
Il y a le nid
d’un rossignol dans le tilleul.
HANS
Le tilleul qui
fleure dans les courants d’air.
NOUR
Les courants
d’air qui dispersent les graines.
MAXIME
Les graines
qui volent dans le ciel.
ABOU
Le ciel qui
entre dans la classe.
MARIE
La classe qui
saute par la fenêtre.
ESTHER
La fenêtre qui
s’ouvre sur la cour.
LILIA
Où les
coquelicots rougissent et dorent les pissenlits.
HANS
Là-haut, la
larme collée au carreau, le sanglot long d’un violon sourit...
ABOU
À la ligne,
points de suspension...
MAXIME
Nous mettons
la guerre et ses sanglants sillons entre parenthèses.
Rideau.