lundi 16 novembre 2015

DANS LE SILLAGE DE CHOPIN... IL Y A GEORGE CRUMB



Hier, dimanche, humeur terne, nuageuse, vague à l'âme, longues plages apathiques, haut-le-cœur, mal de terre... les mêmes sensations j'imagine que nous partageons tous depuis la tragédie des attentats de vendredi à Paris.
Même les livres qui savent si délicatement se transformer en baumes n'y parvenaient pas ce jour-là.

Alors.
Sortir, emmener ailleurs mon "petit" Matthieu (qui me dépasse à présent de trois têtes !) Aller au concert. 
La musique vit au-delà de l'homme, elle le dépasse, l'entraîne dans son sillage. Elle seule sait faire sonner un silence ou résonner le trop plein d'un cœur, rendre le pleur sinon doux, du moins fluide... Éteindre la colère, alléger le soupir. 
La musique est l'unique vertige dans lequel l'homme se trouve transporté en toute conscience, profondément consentant, à la fois seul et tous, au sommet d'une montagne, au creux d'une vague, dans le vent, l'eau, l'air, un feu en lui, tout ceci assis dans un fauteuil.

 Ballade n°1 Op 23, F. Chopin


Nous sommes aller écouter Aline Piboule. La pluie de ses doigts sur le clavier nous a pansé l'âme. Elle a une manière singulière de jouer Chopin, Fauré, Dutilleux. Sous sa main tout miroite, éblouit, apaise. De son jeu naît une ardeur soudaine qui hier s'est transmise à l'ensemble de la salle.

Nocturne n° 7 Op 74, G. Fauré


Ce récital, c'était comme une promenade "dans le clair-obscur de nos émotions". C'était beau, profondément. Important et bouleversant.
Nous n'arrivions plus à partir à l'issue du concert et la pianiste ne parvenait pas non plus à quitter la scène... c'était un moment rare, à la fois douloureux et chaud, doux et triste... tout empreint de lumière et de mélancolie.
Alors, elle nous a fait signe d'attendre, elle est allée en coulisse et a rapporté un grand livre de partitions originales. Il s'agissait du Makrokosmos de George Crumb, écrit en calligrammes comme il aimait le faire...
Elle nous a joué cette pièce qui s'accordait avec le programme qu'elle nous avait donné à entendre et écrite en hommage à Chopin :


Makrokosmos (extract) : Dream Images, G. Crumb


Mais surtout, elle nous a montré la partition qui clôt l'oeuvre et le symbole de paix nous a tous emportés dans un même élan d'admiration, d'étonnement et d'émoi poignant... Larmes aux yeux, cœur touche cœur, âme touche âme.

            Partition calligramme de George Crumb

Aline Piboule est une virtuose, elle est simple, sincère, profondément humaine, "aimante". Je pense que c'est cet amour qui fait que la musique qu'elle interprète au piano devient plus que de la musique. Hier, elle incarnait l'exact reflet de nos âmes. Nos fièvres et nos espoirs, nos frissons et notre immense quête de chaleur, de réconfort, nos abattements et ces élans qui nous animaient, malgré tout. Qui nous animent encore. 
Elle nous a permis le recueillement, dans la beauté et la paix, pour les lumières qui se sont éteintes et celles qui restent et sont dans la peine.

Fermez les yeux... respirez... une pause.

     Ballade n°4 Op 52, F. Chopin


Clair de lune. Debussy